mercredi 17 mars 2010

INTERVIEW : Le groupe "Pavillon Noir" de Poitiers



Toujours dans le but de mieux faire connaître la diversité des groupes et initiatives de la fédération Anarchiste (fédération de groupes et d'individus anarchistes qui sont à la fois autonomes et fédérés autour de principes de bases, rappelons-le), voilà une interview du groupe "Pavillon Noir", de Poitiers.

Merci, et bon vent à eux !

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Pouvez-vous nous présenter votre groupe ? (date de création, etc)


Salut, le groupe "Pavillon Noir" est créé durant l'été 2009, avec quatre personnes, remplaçant la liaison "L'Amitié". Il compte aujourd'hui une bonne dizaine de membres, sans compter les sympathisant-e-s, avec une bonne dynamique. A noter que nous avons toujours été une majorité de femmes, c'est assez rare pour être dit.

Pourquoi ce nom de "Pavillon noir" ? Poitiers aurait donc des pirates ?


Oh oui, nous sommes flibustier-e-s du Clain ! (c'est le Clain qui coule à Poitiers, et non la Vienne). C'est vrai que l'imagerie pirate nous plaît bien... nous signons d'ailleurs nos articles de Pavillon Noir (notre journal local) avec des pseudos pirates, on trouve ça rigolo. L'utopie pirate est aussi intéressante historiquement, il s'agissait pour les exclus, les esclaves en fuite, les mutins et les condamnés à mort, de s'organiser, en menant à la fois la lutte contre les marchands, et l'élaboration de fonctionnements égalitaires autonomes.
Pavillon Noir, c'est aussi et surtout une référence claire et nette à l'anarchisme, sans sigle, sans étiquette ni sectarisme.
Noir c'est noir ! Dans le noir y'a toutes les autres couleurs, la fédération fait la force. Le noir, sans sigle ni logo, c'est une référence sans détour à ce qui est au coeur de tous les anarchistes : l'autogestion, des luttes comme des alternatives de vie. N'attendons pas que d'autres fassent pour nous, faisons nous-mêmes et organisons-nous pour être efficaces et n'être redevables que de nous-mêmes. Dans tous les champs de nos luttes et des alternatives en actes que nous portons, nous sommes au début et à la fin du processus : c'est à nous de construire notre nouveau monde. Cette radicalité n'empêche pas que nous soyions ouvert-e-s aux autres militants politiques, nous n'aimons pas le sectarisme.

Le groupe s'est-il fixé des buts, des modes d'actions ?

Nous nous définissons comme anarchistes, anticapitalistes, décroissants, antisexistes, antiracistes, antifascistes. Certain-e-s d'entre nous sont fédéré-e-s FA, d'autres pas. Nous fonctionnons au consensus et à l'unanimité, par défaut à la libre-association. Cela permet une grande prolixité de projets mais aussi un questionnement de fond. Nos réunions sont toujours des moments très riches de débats très animés, sur le fond (théorie, fonctionnement interne) comme sur la forme (diverses actions entreprises). Nous avons de nombreux désaccords entre nous mais nous ne les fuyons pas, au contraire nous considérons la conflictualité comme riche de potentialités, permettant d'évoluer dans nos réflexions et nos pratiques. Le respect de chaque individu nous paraît aussi essentiel que le tissage de pratiques collectives. Le conflit est une chose saine, apprendre à le gérer est au coeur de la réussite d'une association d'anarchistes. Ce devrait être l'antithèse de la violence.
Nous avons donc des intérêts différents mais que nous jugeons complémentaires et non divergents, car nous considérons que tous les champs de lutte sont importants. Ce qui se traduit dans le champ très varié de nos actions directes :
-luttes sociales (rassemblements et manifs sans-papiers, participation au comité antirépression poitevin, cortèges libertaires avec drapeaux noirs non-siglés et nos propres slogans et prises de parole) et syndicales (dans divers syndicats, CNT, SUD...), dans l'enseignement (participation active aux mobilisations lycéennes-étudiantes-profs)
-culture alternative (concerts de soutien, expos)
-alternatives en actes (récup, tambouille militante, bibliothèque collective, partage de savoir-faire alimentaires, habitat collectif)
-propagande anarchiste en particulier dans les quartiers populaires (journal autogéré, "pavillon Noir", le N°1 fait 20 pages et le N°2 sortira prochainement ; vente du Monde libertaire) et dans la commune en général (collages, projet d'université populaire)...
-formation, débats (les Désobéissants ont été invités, pour une formation très enrichissante à l'action directe non-violente ; débat sur le fichage ADN...).
Nous commençons à être appréciés pour cette démarche diverse et autogestionnaire, conciliant à la fois luttes et autonomie. Nous sommes d'autant plus radicaux dans nos pratiques que nous refusons de nous enfermer dans une posture pseudo-radicale de bazar.

Quel est le paysage politique à Poitiers ?


Assez riche. Poitiers est une ville très universitaire, avec une jeunesse assez remontée contre la répression policière et judiciaire (subie par les sans-papiers, les lycéens, les étudiants, les militants...). C'est une ville associative aussi, avec une tradition sociale assez développée. Tertiaire enfin, c'est pourquoi nous nous considérons comme le groupe "du 86" et non seulement de Poitiers. Des compagnons du groupe vivent à Châtellerault, ville de tradition ouvrière.
En-dehors des orgas politicardes traditionnelles (Verts, PS, PCF, NPA, LO...), le milieu anar existe avec la CNT, et quelques militant-e-s de l'OCL Poitou avec lesquel-les nous militons au sein de certaines mobilisations, dans le cadre de projets communs. Poitiers est aussi une ville qui depuis quelques années, au moins dans le milieu libertaire, compte pas mal de gens qui se méfient des "orgas" et s'organisent par affinité. Le groupe Pavillon Noir s'est quant à lui constitué sur des principes très clairs, qui sont ceux de la Fédération Anarchiste : mandats révocables, responsabilité individuelle, autonomie, libre-association, fédération... qui garantissent réellement la lutte contre l'autorité, y compris au sein du groupe.

On a entendu parler de Poitiers dans les médias suite à la fameuse
manifestation contre la construction d'une nouvelle prison ... Vous
pouvez nous faire un petit rappel des faits ?

On a écrit un communiqué à l'époque, qui avait été plutôt bien reçu. Comme on est toujours (grosso modo) d'accord avec, on te le refile en annexe à l'interview : http://www.federation-anarchiste.org/public/spip.php?article367

Aujourd'hui, quelles sont les conséquences de tout ça par rapport à la
situation politique de la ville ? Et par rapport à votre groupe en
particulier ?


Une répression tous azimuts, contre toute forme de militantisme. Elle existait déjà avant le 10 octobre mais elle s'est encore amplifiée. Insultes, harcèlement de la police contre les militants, manifs encadrées par des dispositifs policiers ahurissants, camescopes et appareils photos braqués sur nous en permanence... Un comité antirep s'est créé. Nous y participons activement en tant qu'individuel-le-s - sans être soutien formel, afin de nous laisser la liberté de signer ponctuellement ou pas les communiqués élaborés avec d'autres personnes.
Le 20 février, nous avons organisé une journée-débat et concert contre le fichage ADN. Nous ne céderons pas à l'intimidation. Ce ne sont pas les anarchistes qui sont "violents", mais ce dispositif de répression sociale. Tout cela est amplifié par les chefs locaux de la "sécurité", le préfet Tomasini, un proche de Pasqua, ou encore le policier Papineau, venu du 93. On est une ville de l'Ouest, mais avec ces cowboys on a l'impression d'être au Far-Ouest !

Existe-t-il des lieux politiquement intéressants dans votre ville ?


Pas mal de lieux associatifs oui, comme le 23, ou encore le Confort moderne, sans compter les bars... eux aussi sont emmerdés par la répression. Y' a même eu fermeture provisoire d'un bar qui avait une réputation de fréquentation par les gauchistes du crû. Il y a aussi le local de la CNT, mais un peu excentré. Une librairie, Feu rouge, avec bouquins militants et pas mal de BD aussi. Et les rues, où l'on se rencontre et où l'on refait le monde autour de quelques binouzes.

Existe-t-il une scène musicale engagée sur Poitiers ?


Ouaip, des groupes de potes (Fantomas dans ton slip, les Black cats et plein d'autres...), des projets divers et variés, comme Fraction armée noire, un projet qui se monte mêlant punk-rock, avec un mec de RAB, un batteur redoutable et un slameur dont les textes déchirent au moins autant que la zik !... trop de groupes pour les évoquer tous. En tout cas y'a de quoi faire pour les concerts de soutien, au dernier on a finalement réussi à faire avec des copains locaux (S.I.C., les petits cons masqués...)

Le mot de la fin ?


Haut les coeurs ! L'anarchie vaincra, parce qu'elle est déjà là, partout où les gens se prennent en main et se rencontrent librement pour discuter et pour agir.

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